31 Juillet 2017
Elle a quitté le Tourbillon de la Vie, Jeanne Moreau est morte ce matin, lundi 31 juillet 2017, elle avait 89 ans. Comédienne pour les plus grands metteurs en scène, elle avait joué dans 130 films. Elle était aussi actrice de théâtre et chanteuse cependant, le cinéma ce n’était pas pour elle « une carrière mais une vie ».
Une voix inimitable, sensuelle et reconnaissable, une icône du cinéma français, elle fait partie de son histoire de ces soixante dernières années.
La séduction, un charme fou, l’autorité, une amoureuse et un cerveau. L’amie de Marguerite Duras et la taularde qui couche avec Gérard Depardieu et Patrick Dewaere dans Les Valseuses, Jeanne Moreau ne s’est jamais laissé circonscrire, encore moins enfermer.
S’il fallait chercher un fil conducteur à sa vie, alors, il faudrait mettre en premier l’insoumission. Jeanne Moreau commence par le théâtre, en cachette de ses parents, puis la Comédie Française qu’elle quitte pour le TNP, cela ne se faisait pas, elle l’a fait.
Parallèlement, elle débute au cinéma, celui d’après-guerre, le cinéma de Marc Allégret (Julietta), de Jacques Becker (Touchez pas au Grisbi), elle semble se fondre dans le moule de l’époque et voilà qu’un tout jeune homme lui propose de la filmer dans la rue, sans apprêt, sans lumière travaillée, on lui dit qu’elle est folle, elle accepte, c’était Louis Malle (Ascenseur pour l’Echafaud). La nouvelle vague lui va bien et elle va bien à la nouvelle vague. Les Amants, encore Louis Malle, Jules et Jim, bien sûr, de Truffaut, cette fois, sans oublier Jacques Demy ou Jean-Luc Godard : voici l’image d’une femme anticonformiste, libre. Muse, oui, enfermée dans un clan, une famille, un style, non.
Elle attire à elle les grands cinéastes étrangers : Michelangelo Antonioni lui confie le premier rôle de La Nuit aux côtés de Marcello Mastroianni et de Monica Vitti. Il y aura Eva de Joseph Losey, Le Procès, Falstaff, Dead Reckoning, Une Histoire Immortelle d'Orson Welles…
Pour résumer, les années soixante seront des années marquées de choix exigeants qui confirment sa réputation de comédienne prête à mettre son talent au service d'œuvres ambitieuses et de metteurs en scène audacieux.
Sa carrière est immense et elle durera.
Elle retourne vers le théâtre, Le Récit de la servante Zerline fera le tour du monde. Sur le tard, elle surprend en tournant pour la télévision, elle collabore notamment avec Jean Renoir (Le Petit Théâtre de Jean Renoir), Jacques Doillon (L'Arbre) et de nombreuses fois avec Josée Dayan (Balzac, Les Misérables, Les Parents terribles, Les Rois maudits).
Et les récompenses pleuvent, le film Moderato Cantabile, d'après son amie Marguerite Duras, lui vaut le prix d'Interprétation au Festival de Cannes 1960. Jeanne Moreau dira : "Le succès, est terriblement fragile, c'est d'une grande fugacité".
A partir de là, elle ne cesse d'être sollicitée par de grands réalisateurs : Luis Buñuel (Le Journal d'une femme de chambre), Tony Richardson (Mademoiselle, Le Marin de Gibraltar) Bertrand Blier (Les Valseuses), Elia Kazan (Le Dernier Nabab), André Téchiné (Souvenirs d'en France), Rainer Werner Fassbinder (Querelle), Michel Deville (Le Paltoquet), Theo Angelopoulos (Le Pas suspendu de la cigogne), Wim Wenders (Jusqu'au bout du monde, Par delà les Nuages co-réalisé avec Antonioni) ou plus récemment Amos Gitaï (Désengagement, Plus tard tu Comprendras).
Au chapitre des récompenses, sa performance dans La Vieille qui marchait dans la Mer de Laurent Heynemann, est saluée par le César de la Meilleure actrice en 1992.
Dans Jules et Jim, elle chante Le tourbillon de la vie avec Serge Rezvani à la guitare. Le producteur Jacques Canetti décide de sortir la bande originale du film. Le succès est immédiat. Sa carrière en tant que chanteuse démarre avec deux albums originaux de Serge Rezvani (alias Cyrus Bassiak) en 1963 et 1967, dont le fameux J'ai la mémoire qui flanche et Tout morose. Suivront d'autres albums dont, en 1981, l'album sur des textes du poète belge Norge (Le nombril, Pas bien, etc), toujours enregistré par Jacques Canetti.
En 2011 elle avait chanté en duo avec Christian Olivier le single Emma, qu'on retrouve à l'album L'an Demain des Tête Raides.
Elle est la première femme à entrer à l'Académie des Beaux-arts en 2001.
Toujours passionnée par son art, elle av crée en 2005, en marge du festival Premiers Plans d'Angers, les Ateliers d'Angers pour permettre à de jeunes réalisateurs de tourner leur premier long métrage.
Vieillir et incarner toujours la curiosité, l’intérêt pour la nouveauté, être toujours au présent, c’est le miracle Moreau.
ELLE
Le cinéma rend les acteurs immortels selon Lelouche. Peut-être, mais ce que l'on retient ce sont des rôles, des personnages portés par l'acteur ou l'actrice. Il en va ainsi du Commissaire Valentin (Jean-Claude Bouillon est annoncé mort aujourd'hui), ou de Chuck Yeager (Sam Sheppard les accompagne). Il est parfois des morts qui ne choisissent pas bien leur jour, comme ce fut le cas pour Farrah Fawcett.
Les personnages arpentent notre imaginaire, les acteurs en sont les ombres. Le cinéma les rend immortels ? Le cinéma donne corps à des personnages incarnés par des interprètes plus ou moins talentueux, souvent interchangeables. Qui est le plus important ? J'ai tendance à penser que le bon acteur est celui qui s'efface derrière son personnage, on ne le voit pas, on voit son rôle., mais qui peut remplacer le créateur des personnages ?
En musique, il y a des interprètes de qualités diverses, parfois un interprète est indissociable de l'oeuvre. Mais la plupart du temps il peut trouver un remplaçant.
L'oeuvre, par contre, est unique. Un réalisateur est le seul à pouvoir donner sa vision qu'il porte à l'écran. Un remake ne sera jamais identique à l'oeuvre initiale.
J'ai tendance à plus "pleurer" la disparation du créateur que de l'interprète, aucune oeuvre ne peut avoir qu'un seul interprète, par contre une oeuvre ne peut être accouchée que par une seule personne. Mais peut-être est-ce lié à une once d'insensibilité ;-).
IL