6 Novembre 2017
Aujourd’hui, je lance une nouvelle rubrique : "J’ai Lu". Je n’ai aucun doute sur l’absence de concurrence d’IL sur cette rubrique (même si j’attends toujours le jour où il me surprendra dans ce domaine…) mais peut-être se lancera-t-il dans des articles "J’ai Vu" !
Pour mémoire, je vous invite à relire notre débat sur le papier contre l’écran, ici Lire à la Télé.
Donc la nuit dernière, j’ai lu (ou plutôt dévoré compte tenu du thème) Gastrophysics, The New Science of Eating de Charles Spence qui rappelle Platon :
En effet, déjà, Platon écrivait dans le Timée : « Les saveurs [sont] les impressions propres à la langue. Or ces impressions [...] paraissent résulter de certaines contractions et de certaines divisions, mais aussi dépendre plus que les autres des qualités rugueuses ou lisses du corps. En effet, toutes les fois que des particules terreuses, entrant dans les petites veines qui s'étendent jusqu'au cœur et qui servent à la langue pour apprécier les saveurs, viennent en contact avec les portions humides et molles de la chair, et s'y liquéfient, elles contractent les petites veines et les dessèchent, et nous paraissent âpres, si elles sont plus rugueuses, aigres, si elles le sont moins.
Les substances qui rincent ces petites veines et nettoient toute la région de la langue, quand leur effet est trop actif et qu’elles attaquent la langue au point d’en dissoudre une partie comme le fait le nitre [ou salpêtre] toutes ces substances sont alors appelées piquantes. Mais celle dont l’action est plus faible que celle du nitre et qui sont modérément détergentes sont salées sans être piquantes ni rugueuses et nous paraissent plus amies.
Celles qui absorbant la chaleur de la bouche et lissées par elle, y deviennent brûlantes, se portent en haut, en vertu de leur légèreté vers les sens de la tête, coupent tout ce qu’elles rencontrent, et ces propriétés ont fait appeler âcre toutes les substances de cette sorte. »
Gastrophysics, The New Science of Eating est un livre sur les goûts, les saveurs et les sons où Charles Spence, un chercheur britannique nous explique que les décibels donnent envie de jus de tomate en avion et rendent les chips plus craquantes.
Plus du quart des passagers d'un avion prennent du jus de tomate — avec ou sans vodka. Pourquoi cette soudaine passion alors que les ventes des jus de tomate les pieds sur terre ne montrent pas de réel engouement pour cette boisson ? Charles Spence pense en avoir identifié la raison. Ce sont les décibels. Le bruit de fond de 80 à 85 décibels donne une saveur particulière au jus de tomate, surtout s'il est accompagné de la sauce Worcester habituellement proposée. L'umami est stimulé. L'umami, c'est l'une des cinq saveurs fondamentales, aux côtés du sucré, de l'acide, de l'amer et du salé.
Professeur de psychologie expérimentale, Charles Spence dirige le Crossmodal Resarch Laboratory, à Oxford. « Crossmodal », autrement dit tout ce d'un tube tout ce qui concerne les perceptions multisensorielles. II étudie la façon dont le cerveau intègre les informations venues des cinq pour produire une impression cohérente de la réalité.
Spence est fier d'avoir reçu le sulfureux IgNobel (ignoble Nobel), décerné chaque année à une découverte improbable qui fait rire puis invite à la réflexion. L'expérience portait sur les Pringles, les fameuses chips incurvées empilées dans un tube en carton. Il invita 20 volontaires à s'asseoir dans une cabine insonorisée. Munis d'un casque audio, ils étaient priés de croquer une à une près de
200 Pringles. Ils n'avaient le droit d'y planter les dents qu'une fois, après quoi ils devaient recracher la chips et lui attribuer une note : plus ou moins craquante, plus ou moins fraîche. Le bruit de leurs dents était transmis à leurs écouteurs par un micro. Mais, discrètement, Spence traitait le bruit avec un amplificateur et un égaliseur, faisant varier fréquence et volume. Une heure après, les cobayes devaient dire quelles chips sortaient d'un tube tout juste ouvert et lesquelles étaient moins fraîches. Toutes les Pringles étaient les mêmes, mais presque tous les jugèrent différentes. Spence découvrit que les chips jugées les plus fraîches étaient celles qui étaient associées aux sons les plus forts et les plus aigus.
Le chercheur décrit quantité d'expériences de ce genre, montrant que ce ne sont pas seulement les parfums, les couleurs et les sons qui se répondent, comme l'écrivait Baudelaire dans son célèbre sonnet Correspondances, mais aussi les saveurs. Un verre de vin consommé sous une lumière rouge paraît plus sucré et fruité. Une barre chocolatée semble plus sucrée si elle a une forme ronde plutôt que rectangulaire, comme Cadbury l'a appris à ses dépens en 2013. La marque de confiseries avait arrondi les bords de ses barres Dairy Milk. Des consommateurs se sont plaints qu'elles étaient écœurantes, soupçonnant l'industriel d'avoir rajouté du sucre. Nenni. « Les plaisirs gustatifs viennent de l'esprit autant que de la bouche », résume Charles Spence.
Charles Spence est aussi l'auteur (avec Betina Piqueras-Fiszman) de The Perfect Meal, The Multisensory Science of Food and Dining . Peut-être est-ce l'ouvrage qui amènera IL à la lecture en bon scientifique gourmand...
ELLE
Oui, tout ça met l'eau à la bouche, surtout en période d'agapes plus ou moins savoureuses. Le jus de tomate en avion est toujours un mystère, d'autres ont dit que c'était un effet de la pression... et si c'était simplement le volonté de tromper l'ennui de l'inaction avec une folie à laquelle nous ne succombons pas les pieds sur terre ? Un jus de tomate, voilà quelque chose d'audacieux !
Nous le savons bien, l'oisiveté est mère des gourmandises aventureuses ;-)... Peut-être était-ce un jour d'ennui particulièrement prégnant que je me suis lancé dans des associations ...exotiques. Devrais-je parler de l'apport constructif de la confiture de fraise sur le poulet froid ? ou encore, de l'after eight revisité, entre chocolat chaud et jet 27 ?
Je sens que je vais de nouveau me laisser enrober par les recherches
gourmandes ^^...
IL
Pitié, non ! Ou alors, oriente-toi vers la Marmite !