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Le blog des rainettes

De tout et de rien mais surtout de tout : de l'actualité aux voyages, en passant par la culture, littérature, cinéma, l'Art et jusqu'à la cuisine ou la politique, parfois le tout en même temps à 4 mains, à loisir et à l'envie ! Pourquoi ? Parce qu’un et un font un, parce qu’ils existent, parce que c’est suffisant et insuffisant à la fois, parce qu’ils sont toujours d’accord, parce qu’ils ne sont jamais d’accord, parce qu’il est persuadé d’avoir raison, parce qu’elle sait qu’elle a toujours raison, parce qu’il y aura toujours des questions insolubles, parce qu’il y a trop de personnes porteuses de vérités prêtes à l’emploi, parce qu’il y en d’autres envahies de doutes, parce que la liberté de s’exprimer, de se laisser porter est un privilège dont on n’a pas toujours conscience, parce qu’il faut l’explorer comme on explorerait un nouveau continent . Parce qu’ils ne se prennent pas au sérieux, parce qu’ils se prennent trop au sérieux, parce qu’ils ne peuvent pas se passer d’internet, parce qu’ils aiment réagir, interagir, parce qu’un poste de télé ou un bon bouquin ça n’a pas beaucoup de répartie, parce qu’ils aiment des choses, sont dégoûtés, énervés, par d’autres, parce qu’ils contemplent. Parce qu’IL s’imagine en ermite reculé d’un monde fou au bord d’un étang, parce qu’ELLE veut voir le monde, parce qu’ils ont vu, parce qu’ils ont à voir, parce qu’IL repense la vie, l’univers et le reste dans un trempage hebdomadaire, parce qu’ELLE invente des vies, des univers et des restes dans des nuits blanches quotidiennes, parce qu’ELLE s’ennuie, parce qu’ils sont bavards, parce qu’ils sont timides, parce qu’ils sont différents, parce que les autres sont les autres, parce qu’ils sont de grands gamins et parce qu’ils en ont envie : le blog des reinettes, bavardages avec les grenouilles sur un bord d’étang reculé ou sur un coin de toile pseudo-sociale ! IL et ELLE

Explosion électrique

 

 

Explosion électrique

 

 

 

 

 

 

Vous avez déjà ressenti le rien, le néant, l’absence totale de tout, le vide absolu ? Moi, oui. Des morceaux de ma vie ont ainsi disparu, quelques minutes par-ci, quelques heures par-là.

 

 

A priori, on ne devrait pas être gêné par ce néant qui intrinsèquement ne peut pas être ressenti ou vécu comme une absence puisque par essence il n’y a rien à percevoir.
C’est dans le retour des témoins sur notre moment de néant que je finis par être dérangée, car des témoins, des observateurs, il y en a et si moi, je ne perçois que mon absence de souvenir, eux, ils prennent l’entière mesure de mon absence tout court.


Le néant, c’est fatigant ! Il me faudra plusieurs jours pour me remettre de deux heures de néant.

 

 

 

En réalité, c’est la phase pré-apocalyptique qui est épuisante, la lutte contre l’inéluctabilité de l’explosion, les tentatives de déminages. Je sais que le compte à rebours a commencé, j’ignore sur quelle durée il est réglé, deux minutes, dix secondes, combien est-ce que j’ai de temps pour non pas le stopper mais pour évacuer la zone ?

 

 

 

Le sol se déforme sous mes pieds, l’air brouille ma vision, l’approche de l’explosion rendent incompréhensibles les voies des personnes alentours, des langues incompréhensibles naissent autour de moi. Je dois m’éloigner, me cacher, je dois me cacher, je dois me protéger, je dois… Mes pieds refusent de bouger, mes genoux ne plient plus, mes muscles et mes membres fonctionnent à retardement, ils ne m’appartiennent déjà plus. L’orage gronde déjà.

 

De l’explosion de la bombe électrique, je ne serai pas témoin, elle m’aura déjà emporté dans son néant. Ce sont les autres, les témoins et observateurs qui me la rapporteront : le cri, la tension, les mouvements anarchiques et le calme après la tempête… et bien sûr, leur peur, leur angoisse, leur impuissance, leur dégoût pour certains.

 

Quelques heures plus tard, longtemps après avoir quitté le néant et repris contact avec l’existence tangible de mon esprit, mon corps trahira ce grand vide et témoignera de ce qu’il se sera passé : 

 

 

 

les bosses et les bleus, les écorchures, les courbatures dans des muscles dont j’ignorai l’existence, les croutes, ce goût de sang dans la bouche, un pantalon mouillé… autant de signes de la violence de l’explosion.

 

Avant d’en arriver à ce stade de compréhension, ce sont les sensations qui me sortiront de mon rien, l’une après l’autre mais sans douceur.
D’abord la douleur, souvent un ongle écrasé, une oreille décollée ou une pointe dans un orteil, puis brutalement l’ouïe avec des cris plus agressifs encore que la douleur « On se réveille, Madame ! Vous sentez ça ? Ouvrez les yeux, Madame ! » Tu m’étonnes que je « sens », ça… j’essaie de repousser ces doigts, ces aiguilles, ces pointes mais mes bras répondent à retardement et je suis trop fatiguée. Pour l’instant, le néant m’appelle encore et je veux me blottir dans ses bras, je n’ai pas envie de vérifier si je suis capable de répondre, pas envie de chercher à comprendre, je veux mon rien.

 

Ensuite, un peu plus tard, ce sera la vue. Mes agresseurs auront disparu et je pourrai savourer la redécouverte de ce sens en douceur. Du bleu-vert-gris, que du bleu-vert-gris, je n’arrive pas à me décider sur la couleur exacte,                                 partout, ça calme, ça repose… et doucement les questions arrivent : pourquoi du bleu-vert-gris partout, qu’est-ce qui se passe, où je suis ? Le néant lâche prise et je panique, je ne comprends pas, j’ai envie de crier. A côte de moi, la machine qui me retient prisonnière ne se gène pas pour crier, elle lance des sons stridents au rythme de mon angoisse. Elle n’est pas à l’origine de mon angoisse, non, j’ai compris elle la traduit en autant de bips sonores que mon cœur émet de battements. J’essaie de la calmer mais si elle accepte de se taire, elle ne me lâche pas pour autant et me retient toujours prisonnière.

 

Mon bras est attaché très serré, des barreaux me bloquent la possibilité de toute fugue, on me drogue par un tuyau, des fils relient ma poitrine, mes bras, mes jambes, mon front à la machine... Mes agresseurs du premier réveil reviennent. Autant de blouses blanches qui m’examinent dans ma nudité. Le sens des conventions sociales est revenu, j’aimerais être ailleurs. Ils veulent m'amener dans un grand tube, je résiste. Ils me posent des questions, je ne sais pas répondre à toutes, qui je suis, qu’est-ce qui s’est passé, en quelle année sommes-nous, qui est le Président de la République… ils sont fous… et je suis amnésique.

J’essaie de me souvenir, de toucher du doigt une information, de fouiller dans mon cerveau douloureux, je me concentre mais je ne trouve rien. Leurs questions, leurs informations m’agressent, la machine s’emballe à nouveau, elle bipe, elle clignote, la douleur revient, je ne vois plus mon plafond bleu-vert-gris… Il faut que je le voie, j’en ai besoin, il faut que ça s’arrête. Je ferme les yeux, j’essaie de ne garder que le souvenir apaisant de cette couleur indéfinissable.
Ca marche, je sombre dans un demi-rien plus confortable que le néant total. J’ai conscience de ce demi-rien et je peux en profiter, je sais qu’il aura une fin mais pour l’instant, il est là, bleu-gris-vert, calmement bleu-gris-vert.

 

 

Je suis épileptique et je viens de faire une crise partielle secondairement généralisée en crise convulsive tonico-clonique. J’oublie sans doute quelques mots savant que l’ont pourrait rajouter ici et là pour faire une description plus médicale de la situation mais on s’en passera.

 

 

 

 

Ce que je décris, je l’ai vécu tous les mois, parfois toutes les semaines ou même pendant un temps, tous les jours.


Un orage comme celui-là, il faut du temps pour s’en remettre neurologiquement et physiquement mais aussi psychologiquement… Seule, sans témoins, sans pompiers, sans urgentistes, je vis assez bien la situation, dans un lieu public, une crise déclenche la grande machinerie médicale du 15 à la sortie contre avis médical et elle laisse des séquelles.

Il y a la peur, la peur de sortir, celle d’aller travailler, la peur de mes propres sensations, la peur de crise, la peur de faire peur, la peur des autres, de leur regard, la peur des limitations que l’on s’impose ou devrait s’imposer, la peur de la peur et tout ce stress débouche bien évidemment… sur une nouvelle crise !

C’est un cercle vicieux très difficile à briser. Je touche du bois, je l’ai brisé, on dit que je suis stabilisée, depuis un an et demi ! C’est fragile, on ose à peine y croire, d’abord une semaine sans crise, puis un mois, puis quelques mois, puis une année… et on parle de récupérer le permis de conduire, de boire un verre, d’alléger le traitement… on commence à y croire et surtout, on croise les doigts mais on n’oublie pas !

 

 

On cohabite avec l’épilepsie. C’est une colocataire dont on ne se débarrasse jamais. Si en apparence, un épileptique stabilisé mène une vie normale, ce n’est pas sans efforts ni compromis. Il faut sans arrêt repousser certaines limites :

 

Il faut d'abord repousser les limites de la maladie avec des traitements souvent multiples.

Les épileptologues le disent eux-mêmes, il s’agit de cuisine chimique, chaque cas est unique et il demande beaucoup d’essais avant d’arriver à une recette qui donnera une stabilité. Un comprimé de celui-ci le matin, deux de celui-là le soir et trois et demi de ce dernier deux fois par jour… pourquoi ? Parce que ça marche sur moi, tout simplement… enfin aujourd’hui du moins. Demain, on essaiera une autre combinaison. Ce ne sont pas des médicaments anodins, ils fatiguent, jouent sur l’humeur, donnent la nausée, font grossir, trembler, contrindiquent d’autres médicaments, etc… ET permettent aux épileptiques de mener une vie normale !

Il faut aussi sans arrêt repousser les limites de son corps, pour savoir jusqu’où on peut aller et surtout jusqu’où on ne peut pas aller. C’est un jeu de compromis personnels, professionnels et sociaux pour pouvoir rester stabilisé : limiter le stress, la fatigue, les stimuli qui peuvent être perçus comme des agressions par nos neurones. En apprenant à se connaître, on évite les pièges, on met en place des stratégies, on protège son sommeil, on s’impose des siestes pour les noctambules, on évite les excitants, l’alcool, on s’arrête de travailler au premier signe de fièvre… autant de petites contraintes qui permettent de sortir, de travailler, de conduire, de pouvoir avancer, vivre normalement avec cette maladie.

 

Il est important et nécessaire de parler de l’épilepsie qui reste encore très tabou. Les crises convulsives qui en sont le symbole visible effraient et repoussent. Les crises sont plus déroutantes qu’elles ne sont graves. Il faut en parler pour éviter qu’elles soient redoutées ou fassent peur, pour éviter les mauvais gestes, il faut rabâcher qu’il n’y a strictement rien à faire si ce n’est éloigner les dangers de la personne en crise (et si, dans de rares cas, cela dure prévenir le 15).


Limiter les craintes et les mythes autour de cette maladie permettront de réduire les discriminations qui sont encore aujourd’hui, malheureusement, des réalités. On observe des discriminations pour les enfants à l’école, pour les adultes au travail et pour tout le monde dans les loisirs, les vacances. Il faut faire reculer les idées reçues, montrer qu’on peut être épileptique et avoir une vie normale, des loisirs, faire des études longues, exercer un métier que l’on aura choisi, conduire, avoir une famille, vivre !

 

ELLE

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